FOUCHECOURT.
Inauguration du monument érigé à la mémoire des enfants du
pays morts pour la France.(21-05-1922)
Dimanche 21 courant,
la petite commune de Fouchécourt était en grande fête. Tous les villages
voisins s’étaient donné rendez-vous pour se joindre à la population tout
entière du lieu et saluer la gloire des six enfants du pays tombés au champ
d’honneur. La commune ayant gravé dans le marbre le nom de ces héros, en ce
beau jour de mai on bénissait et inaugurait le monument érigé sur la place de
la mairie.
Ainsi que le comporte
le programme dans une commune foncièrement chrétienne, la cérémonie commençait
par une messe solennelle chantée à 10 h 45 par les artistes bien connus du
pays.
Le prédicateur, pour
la circonstance, était tout indiqué dans la personne de M. l’abbé Bichot,
curé de Buffignécourt, mutilé de guerre, décoré de la médaille militaire
et de la croix de guerre.
Plus de deux cents
personnes se pressent dans l’église et s’entassent dans la rue pour écouter
la parole saisissante et toute d’actualité de l’orateur. Dans un tableau
imagé, il représente la France si belle par la situation, si glorieuse par son
histoire, si vertueuse par ses saints, par conséquent si convoitée de ses
ennemis. Il rappelle les préliminaires de guerre ourdis par l’Allemagne,
cherchant à affaiblir les deux forces qui ont fondé la France et l’ont
toujours relevé dans ses défaillances : la main du prêtre et la main de
soldat.
Puis une peinture de
la mobilisation nous fait revivre les jours si tristes d’alors. « Clairons, sonnez au drapeau ! » Ils accourent, tous ces enfants de
France, même ceux-là qui, quelques jours avant, voulaient « planter le
drapeau dans le fumier ».
Ils se pressent aussi
ces prêtres et religieux qu’on avait exilé, et tous viennent offrir à la
Patrie leur cœur pour l’aimer, leurs bras pour la défendre, leur sang pour
l’arroser.
Rapidement, M. le curé
de Buffignécourt cite quelques-unes des atrocités du combat ; on reconnaît
en lui l’homme qui a vécu ces misères.
La péroraison est une
citation des paroles de Clémenceau à Sainte-Hermine, en octobre dernier.
« Il y a longtemps que les hommes se haïssent, l’heur est venue où
ils devraient avoir la liberté de s’aimer ». L’orateur fait un appel
à l’union sacrée : s’entendre à présent comme on s’entendait au
front, partageant les mêmes espérances, plus tard recueillant la même gloire ;
ce n’est qu’ainsi que la France saura imposer la paix à ceux qui n’ont
pas su le lui donner.
Ce discours fit une
profonde impression sur toute l’assistance.
Après les prières
pour les morts, le cortège se dirige au monument. La vaste place est à peine
suffisante pour contenir la foule. Les enfants, magistralement exercés par Mlle
l’institutrice qui mérite de sincères félicitations, chantent avec M. le
curé e Baulay les couples patriotiques que l’on exécute en pareille fête.
M. le curé de Buffignécourt
bénit le monument dans les faces duquel sont incrustés deux superbes crucifix.
Des poésies sont débitées
par des enfants, puis M. Paul Barberot, au nom des démobilisés, adresse à la
foule un impressionnant discours. On sent vibrer dans ses paroles la note chrétienne
autant que la note patriotique. L’endroit et la circonstance seule retiennent
les applaudissements de la foule enthousiaste.
M. Réal, maire de
Fouchécourt parle au nom de la commune. On reconnaît dans ce discours que nous
aimerions reproduire intégralement, ainsi que celui de M. Barberot, la parole
d’un père qui aime, qui console, encourage, et donne à tous l’espérance
du revoir au ciel.
Il est midi 30. un dîner
intime où ne cessa de régner la grande camaraderie réunit tous les démobilisés
de la commune.
A l’heure des
toasts, M. l’abbé Guyot curé de Baulay, adressa ses félicitations et ses
remerciements aux organisateurs de cette fête, et but à la santé des parents
des victimes, à la gloire et à la prospérité des victimes. M. Claudinot,
maire de Baulay remercia, dans un style académique, la sympathique commune de
Fouchécourt qui sut, en l’invitant, rappeler les liens intimes qui
l’unissent à Baulay. Tout se passa dans le calme et la paix : on se
croyait des frères et l’on vivait heureux.
Un témoin