Sommaire Ça ne lâche pas! On se les gèle
pas à peu près. Brrr! Y fait vraiment pas chaud! Mais que je n'en voie pas un
sacrer contre le froid. Car le froid est notre sauveur. Notre protecteur. Notre
plus belle richesse.
Parce
que si on est
tellement à l'abri, ici, dans notre p'tit Québec, de tous les grands problèmes
de la planète, c'est grâce au frette!
Regardez tous les
endroits où ça va mal dans le monde. On les voit aux nouvelles. Ce sont toutes
des places où les gens sont en manches courtes. L'Afrique, l'Irak, Israël, Haïti,
l'Amérique du Sud. Le trouble est
frileux
Savez-vous pourquoi?
Parce que le trouble est frileux. Le trouble aime pas le froid. Le trouble aime
les endroits où il fait chaud. Où il y a le beau soleil. Où il peut s'étendre
et écœurer le peuple longtemps. Y est pas fou, le trouble. Descendre dans la
rue pour pitcher des roches, à 22
sous zéro, ça ne le tente pas. Se battre pour un morceau de terre qu'il faut
que tu passes six mois à pelleter, y aime autant le laisser aux voisins.
C'est pour ça que
Stéphan Bureau, il ne parle pas souvent du Groenland, de l'Islande, du pôle
Nord ou du pôle Sud dans ses manchettes. Le trouble va jamais là. C'est sûr
qu'il parle du Québec. Y a pas le choix, c'est le téléjournal de chez nous.
Mais les troubles qu'il raconte, c'est pas des vrais troubles. Les hôpitaux,
les écoles, Gaétan Frigon, Théodore ou Garon, ça ne se compare pas à un génocide,
à une révolution ou à une guerre civile.
Nos problèmes sont
tellement niaiseux qu'ils n'en parlent
pas ailleurs. Pensez-vous qu'aux nouvelles d'Israël, le présentateur raconte
les crises de Pierrette Venne ou la saga des Expos? Non. En Israël, ils ne
parlent jamais du Québec. Mais au Québec, on parle tous les jours d'Israël.
Pourquoi? Parce que là-bas, il se passe des grosses affaires. Tandis qu'ici, il
ne se passe que des peccadilles. Pourquoi? Parce que le trouble habite chez eux
à l'année, tandis qu'il ne vient jamais mettre les pieds ici, de peur de se
les congeler!
Nous, on n'a pas
besoin de bombe atomique pour nous protéger, une vague de froid, ça vaut bien
des armes de destruction massive.
Quand Napoléon a conquis le
monde, ses armées ont marché sur tous les beaux pays d'Europe et d'Afrique en
chantant: «Haut les mains! Lalala! Haut les mains!» Mais rendus en Russie,
j'te dis qu'ils ont arrêté de chanter assez raide. Napoléon, y a pas juste
mis une main dans sa petite poche. Y a mis les deux! Parce qu'elles étaient
bleues. L'hiver a sauvé les Russes! Même chose pour Hitler. Ses armées ont
traversé l'Europe, le bras tendu, sans problème. Mais rendu en Russie, le bras
leur est tombé, gelé. Je vous le dis, le froid, c'est la paix. La sainte paix.
Si au Québec il
faisait beau comme en Floride, ça ferait longtemps que les Américains nous
auraient annexés.
Au lieu de jouer au
hockey, nos garçons seraient poignés à encercler l'Irak. Patrice Brisebois,
il verrait que c'est pas mal plus stressant que de se faire huer par 10 gars
chauds. Mais grâce à notre climat, les Américains n'ont jamais rien voulu
savoir de notre patrie.
Et c'est ce désintéressement
généralisé du monde entier pour les pays froids qui nous sauve de tous les
grands conflits majeurs.
C'est tellement pas
attirant, un pays glacé, que même nous, qui habitons là, on n'en veut pas. À
tous les référendums, on nous demande: «Voulez-vous de ce pays?» Et on répond
toujours: «Non merci!» Pensez-vous qu'un autre pays va se donner la peine de
venir se battre pour conquérir un pays que ses propres habitants rejettent?
Pourquoi se battre pour un pays où on ne terminera même pas tes jours? Se
battre pour les terrains de golf de la Floride, OK! Mais se battre pour quelques
arpents de neige, franchement!
Cela saute aux yeux.
Si nous vivons dans un endroit paisible, où même les révolutions sont
tranquilles, et que le pire qu'il peut arriver, c'est le verglas, c'est grâce
à notre climat nordique.
Donc, au lieu de
sacrer contre le froid et d'essayer tant bien que mal de se plaindre, car on a
les lèvres gelées, remercions le ciel en grelottant de nous avoir offert une
contrée polaire. Prions fort pour que le monde entier continue de nous ignorer
et pour que l'effet de serre ne nous réchauffe pas trop vite. Vive la paix
froide!
Stéphane Laporte.