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La démocrature.
Nous vivons dans un régime de démocrature.
Ce terme, inventé, est la contraction des deux mots-clés du pouvoir : démocra(tie) et (dicta)ture..
Je trouve ce mot de synthèse très représentatif
de l'esprit politique actuel.
Dans le monde entier on ne jure que par la
démocratie. Ecoutez autour de vous combien de fois ce
mot est prononcé, à propos de tout ( et de rien !!! ),
bien souvent à contre-sens, ou du moins dans un sens si
élargi qu'il ne veut plus rien dire du tout.
Ecoutez les membres d'un gouvernement quel
qu'il soit d'ailleurs. Chacun n'agit que dans l'esprit de
la démocratie. Toutes les décisions sont prises
"démocratiquement" y compris celles, souvent
impopulaires, qui sont l'expression de la volonté d'un
seul homme persuadé - ou voulant se persuader - qu'il
est le seul à trouver les solutions à tous les maux de la
société. On voit déjà poindre le deuxième élément du
mot-titre ture, de dictature. Elu démocratiquement, le
représentant du peuple, encore nimbé de l'auréole de
son succès électoral, agit déjà en dictateur. Il se sent
fort parce qu'il a été élu, et........ en vertu des pouvoirs
qui lui sont conférés, il impose sa volonté.
Tous les pays veulent être dirigés
démocratiquement. Qu'à cela ne tienne ! On organise
des élections au cours desquelles chaque individu peut
exprimer ( librement !'.'.) son choix et dont le résultat
sera admis sans réserves par l'ensemble de la nation.
Voilà le processus démocratique lancé !
Campagnes électorales où chaque candidat exprime ses
volontés.fait un étalage -souvent inconsidéré - de
promesses, critique sans vergogne le pouvoir en place,
oubliant bien souvent que, précédemment possesseur
du pouvoir qu'il brigue, il n'a pas mieux réussi.
C'est inconcevable ! Dans notre beau pays de
France, on sait ce qu'il faut faire... quand on ne le
dirige pas.
Est-ce que l'on appelle l'alternative ?
Cette alternative se manifeste surtout par le constat
d'échec du pouvoir en place - élu démocratiquement ne
l'oublions pas -, de la critique de son action, de
l'évocation des seules solutions valables que ce
pouvoir est incapable de trouver. On se demande
pourquoi, mais pourquoi donc ne pas avoir mis en
application ces solutions-miracles lors même que, tout
récemment, ces mêmes critiques détenaient le pouvoir.
Très facile !... Trop facile !.. .
D'autres, très démocratiquement toujours, ne
s'avancent pas en proposant des solutions. Dès lors
que se pose un problème : il faut réfléchir....
Où mène cette réflexion ? Lorsque la solution
semble se présenter, il y a belle lurette que le temps de
la réflexion a dépassé l'événement et que la solution
n'est plus applicable. Alors, que faire ? Réfléchir ?...
En France, on passe son temps à réfléchir !
C'est alors que se manifeste l'impatience d'une
catégorie jusque là silencieuse : les syndicats. Nous
voyons apparaître alors une variante de la démocrature la syndictature qui n'est qu'une autre forme de
dictature démocratique puisque les responsables ont été
élus. Très démocratiquement, on organise des grèves.
Très démocratiquement, on gêne des millions de
travailleurs (ce terme n'est d'ailleurs pas réservé aux
seuls travailleurs manuels, comme semblent le
sous-entendre certains syndicats).
Très démocratiquement on barre les routes, on
obstrue les voies de chemin de fer, on casse....
C'est ce que l'on appelle la démocratie ???...
Lord Brougham, dans son étude " De la
démocratie " l'exprime parfaitement lorsqu'il dit :
" Le premier et le pire effet d'un gouvernement
populaire est que le pouvoir suprême est placé dans des
mains irresponsables ".
Pour le nouveau pouvoir, deux façons d'agir :
1 - Mise en place progressive et raisonnée des
réformes annoncées.
Tollé général : pourquoi ne pas agir
immédiatement ? Laxisme ?
2 - Application immédiate des réformes.
Tollé général : trop de hâte. Il eut été préférable
de temporiser.
Alors que faire ?...
Et les protagonistes, maîtres du pouvoir, de
s'entre-déchirer. De l'unité manifestée pendant la
préparation des élections, rien ne subsiste, rien sinon la
crainte de perdre ce pouvoir tant convoité.
Et l'opposition de se gausser d'une telle
fracture... oubliant elle-même que l'union
pré-électorale à laquelle elle appartenait était peut-être
contre nature et que le déchirement ;est latent dans ses
rangs, s'il ne s'est pas manifesté dès l'échec. Cet échec
à peine consommé laisse déjà entrevoir l'échéance
suivante pour laquelle il faut se préparer sans tarder
afin de reconquérir le pouvoir...démocratiquement, à
moins que des circonstances exceptionnelles - que l'on
peut éventuellement provoquer - ne viennent précipiter
les choses.
Le but unique de nos politiciens se résume en un
mot : élection. Oh ! On ne s'avoue jamais battu. Un
échec ? Cela n'existe pas. Combien de fois
n'avons-nous pas vu le "vaincu" étaler une satisfaction
qui, sans être particulièrement vive, n'en était pas
moins pleine de la promesse d'un avenir plus faste ?
Et la France de repartir avec son partage
quasi-égalitaire : gauche-droite.
Survient alors un élément imprévu s'il n'est pas
imprévisible : la naissance d'un parti perturbateur qui
vient troubler l'ordre (si l'on peut dire) établi entre les
oppositions classiques.
Haro sur le baudet ! De part et d'autre on lui
attribue tous les défauts. Il a surtout le tort de
"récupérer" les mécontents. Si ses sympathisants ne
peuvent, en toute bonne logique,! représenter qu'un
pourcentage relativement faible de l'électorat, les
scores constatés, allant dans certains cas jusqu'à la
majorité, sèment la panique chez les politiciens. Et les
arguments, les critiques de se succéder dans une
escalade spectaculaire. De chaque côté, on accuse
l'autre de laxisme, d'archaïsme, et d'être responsable
de la situation.
Et pendant ce temps, le "perturbateur" collecte
les voix, même si ce n'est pas par conviction, mais
plutôt par mécontentement ou déception.
Une nouvelle tactique électorale s'élabore : pour
vaincre le "perturbateur", une seule issue : un front
"républicain" qui regroupera les électeurs de gauche et
de droite.
Quel élan patriotique ! Enfin, l'Union ! Mais
cette union ne durera, si elle se concrétise, que le
temps d'une élection. Puis, après une hypothétique
victoire, on repartira dos à dos et l'on reprendra la
fâcheuse habitude des critiques systématiques.
Mais, Messieurs les politiciens, puisque vous
parvenez - avec beaucoup de peine il faut le dire - à
constituer un front républicain lorsque vous décrétez la
démocratie en danger, pourquoi ne pas appliquer en
permanence ces sublimes idées patriotiques. Faut-il
encore une guerre ? Entendez-vous, une fois pour
toutes, en dehors de toute considération électoraliste,
pour faire face aux difficultés du pays. Pour des
technocrates issus d'une même école, les solutions ne
doivent pas être diamétralement opposées, que diable !
Alors, au lieu de voir la démocrature glisser
inexorablement vers l'anarchie, peut-être la
verrions-nous revenir vers la démocratie.
Pierre Piney
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