Confortablement installé dans le TGV Dijon Paris le va et vient des voyageurs cherchant leur place ne me gêne aucunement dans la lecture de mon quotidien favori. Survint un grand gaillard, laissant ses bagages en plein milieu du couloir il s’écroule à la place qui lui a été attribuée aléatoirement et malencontreusement par l’ordinateur en face de moi, sort de la poche de sa houppelande son « portable » et se livre à un long monologue, informant je ne sais qui de son installation dans le train, renseignement de la plus haute importance pour les voyageurs enjambant ses bagages.
Le monologue terminé notre quidam s’installe, pose son appareil sur la tablette. Le TGV démarre, je me replonge dans ma lecture. Pas pour longtemps car cette affreuse boite noire émet brusquement un son désagréable. Comme s’il n’attendait que cela mon voisin se précipite sur elle et c’est un long monologue ou il est question de l’heure d’arrivée du train, de restaurant, de remarques sur le fonctionnement du service, des carences de la secrétaire du patron, de la dernière victoire de l’OM (cela arrive parfois ! ) et même de la santé de la belle-mère...
Durant tout le voyage, sur l’initiative de l’un ou l’autre des partenaires (l’humain et la boîte noire) je supporte ces conversations d’une banalité déplorable. Je fixe d’un regard peu amène mon compagnon de voyage, il semble ne pas me voir, totalement débranché de son environnement. Il éprouve une telle affection pour son «portable » qu’à un certain moment le serrant tendrement contre sa joue, se blottissant dans le fond de la banquette, collé contre la paroi de la voiture comme s’il voulait se cacher, le visage au sourire béat il lui chuchote des mots que je ne peux comprendre (j’aurais tant voulu savoir !). Avant de le reposer il l’embrasse tendrement.
Depuis longtemps j’ai renoncé à ma lecture. Ça et là d’autres boîtes noires se rappellent au bon souvenir de leur propriétaire. Je souris en voyant deux voyageurs « mitoyens » , se « polluant » mutuellement, contraint d’abréger leur monologue.
Laissant libre cours à ma pensée j’imagine la mise en place de compartiments ou de voitures réservées aux fumeurs, pardon aux voyageurs avec « portable». Après tout pourquoi ne pas mettre les pollueurs dans le même sac, pardon dans la même voiture. Un espace sans odeur de tabac, sans sonnerie, ...le rêve....
Certes, dans ce train, mis à part le gêne pour l’environnement, son usage n’est pas dangereux, mais au volant ? Il m’est arrivé de voir, en pleine circulation urbaine, une automobiliste conduire d’une main, téléphoner de l’autre tout en fumant une cigarette... de me faire télescoper, en pleine rue, par un adepte de cette nouvelle mode ayant « raté » un poteau d’arrêt d’autobus !
Selon certains avis médicaux l’utilisation du portable perturberait les neurones de ses utilisateurs comme il perturbe le cerveau électronique des aéronefs à l’intérieur desquels son usage est formellement interdit.
La société commence à réagir : à l’entrée des bibliothèques de lecture, des salles de vente, des salles de réunion, à côté du logo « défense de fumer » on peut voir une inscription invitant les visiteurs à éteindre leur portable. Conduire en utilisant cet engin est répréhensible mais on laisse les médias vulgariser l’usage du portable au volant : dans les films « Le dîner de cons » et « Jet Set » , pour ne citer qu’eux, l’utilisation du potable en pleine circulation est chose banal !
Je vous vois, à la lecture de ce qui précède, me prendre pour un vieil arriéré allergique aux nouvelles techniques. Ce n’est pas le cas. Je ne dénigre pas l’utilisation de ce merveilleux moyen de communication entre les hommes (il a permis de sauver la vie de personnes en difficultés ou accidentées et l’arrestation de quelques malfrats imprudents) mais son utilisation abusive, en dérogation avec les règles les plus élémentaires de bonne conduite.
Nos concitoyens, tout en perturbant leur environnement, se couvre de ridicule. Utiliser le portable en réglant ses achats à la caisse, demander à son correspondant la marque de pâtes alimentaire à acheter, j’en passe, et des meilleurs...
Bien sur, un jour, par nécessité et pour ne pas paraître « vieux jeu » vis à vis de mes petits enfants adolescents tous équipés de cette « boite noire », je ferai l’acquisition d’un portable mais attention, j’ai horreur du « fil à la patte » et, comme l’écrit Pagnol, de me faire sonner comme un domestique en tous lieux et à toutes heures.
Pour terminer je me permettrai de vous conter l’aventure survenue à l’un de mes amis, dont je tairai le nom. Le potable toujours en éveille, fort occupé à prouver son immense tendresse à sa petite amie il est stoppé dans son ardeur amoureuse par ce satané portable. Freinage en pleine vitesse, sans débrayer, blocage du moteur carburateur noyé rendant une remise en route immédiate impossible....son épouse lui demandait de ne pas oublier le pain...
Le train ralentit, nous arrivons à Paris gare de Lyon, perdu dans mes pensées je ne m’en rends pas compte. Mon voisin et son portable me le
rappelle... merci monsieur...
Edmond Desoche 15 05 2001
Près de deux années on passées depuis la sortie de cet article, fort heureusement les choses évoluent. J'ai acheté un portable, ah oui ! J'avoue qu'il me rend quelques services mais, mon épouse et moi, l'oublions souvent à la maison... quand aux SMS c'est quoi ça ? mes chtiots me l'ont expliqué mais avec ma vue de septuagénaire... n'insistons pas !
Ce qui a évolué : dans les TGV il existe des voitures "Silence", on ne tourne pas dans ces voitures mais des affichettes vous invitent à mettre votre outil, pardon votre téléphone, en vibreur et de l'utiliser sur les plateformes. Les amendes et retrais de point concernant l'usage du portable ont un effet dissuasif. Le comportement de la majorité des adultes à nettement changé : on s'isole pour téléphoner, on arrête son engin lors de réunions... reste les ados....dès qu'ils ont un instant de répit ils ne peuvent s'empêcher de jouer avec ce que j'appellerai leur nounours... il faut bien que jeunesse se passe...
Le même 05 04 2003
Hélas il me faut déchanter !
Revenant de Besançon par TGV un quidam s'installe en face de moi avec un harnachement particulier : écouteurs aux oreilles, micro cravate et tout en consultant son journal se met à soliloquer avec un correspondant inconnu....La conversation terminée il sort de sa poche l'affreuse boîte noire . il le faut bien pour composer le numéro. La conversation reprends dans la langue de Shakespeare... mais elle cesse rapidement, phénomène de pollution : le possesseur d'une autre boîte, grise celle là, se déchaînant subitement : exclamations, rires et propos d'un ridicule à pleurer s'attirant le regard réprobateur de mon vis à vis qui a du se demander pourquoi je souriais. La prochaine fois je choisirez une voiture "Silence".
Début septembre 2005
Petit à petit cette boîte devient indispensable dans notre vie de tous les jours. Je n'ai garde de l'oublier lors de mes sorties, parfois très longue, à bicyclette. Très utile en cas de pépins ne serait ce qu'une simple crevaison ou tout simplement pour rassuré mon épouse restée à la maison. Elle-même, lors de ses déplacements dans Dijon, emmène ce qu'elle dénomme, malgré tout, "Un fil à la patte" très heureuse de l'avoir ce "Un fil à la patte" pour demander à son mari de l'aider à remonter les courses mais aussi en cas de panne de voiture, cela lui est arrivé.
Néanmoins je dois avouer que le comportement de certains de nos concitoyens met parfois ma patience à rude épreuve. Je ne citerai que deux cas parmi d'autres :
1) De retour de Belle Ile en mer, la bien nommée, une "vieille belle" (on dit bien un "vieux beau"), d'un certain âge qu'elle tente de dissimuler, dès son installation sur le bateau, informe quatre ou cinq de ses connaissances de son séjour dans l'île commentaires ponctués d'énormes et tonitruants ricanements dont profite les nombreux voyageurs. Cela vas durer pendant une grande partie de la traversée.
2) Dans le train du retour la quasi-totalité du compartiment dit "Club" du TGV où nous devions prendre place, est occupée par un sujet de sa gracieuse majesté Elisabeth II à la corpulence de ses cousins d'Amérique friands de pope corne, et ses nombreux bagages. Ce monsieur téléphone et la conversation ponctuée de"Tank you" à l'intention de son interlocuteur et de "Sorry" à mon intention et sans doute aussi à celles des voyageurs que, malgré moi, je bloque dans le couloir. Il lui faudra bien 5 minutes pour terminer son dialogue et évacuer le compartiment qu'il occupait indûment, où est passé le fair-play légendaire de nos "amis" Anglais !