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Les Desoche à travers les siècles.(2)

Certes en ce milieu du XVIIIéme la vie des paysans s’améliore ; avec la culture de la pomme de terre, à partir de 1740-1750, la famine disparaît, mais les paysans sont surchargés d’impôts, taillables et corvéables à merci : la dîme, la gabelle, la mainmorte (Au Moyen-Age, les paysans n’étaient que les employés des seigneurs. A leur mort, leurs biens revenaient à leur maître, c’est à dire au seigneur (terre, cheptel, maisons, meubles). C’était la mainmorte..), les corvées dues aux seigneurs du village. A cela s’ajoutent des perceptions ponctuelles : pour le mariage de Marguerite de Bourgogne et, plus tard, celui du dauphin de France, les manants doivent mettre la main à la poche. Les habitants des campagnes sont soit laboureur, soit manouvrier. Le laboureur cultive la terre lui appartenant. Le manouvrier possède parfois quelques arpents, se loue à la journée, pendant les périodes de travaux, mais, sans ressources pendant la morte saison, il vit dans une grande misère.
    
A cette époque Vilaire, appelons-le désormais de son nom actuel Villers sur Port, et Conflandey sont une seule et même paroisse. La vie y est probablement moins pénible qu’ailleurs. En 1686 la forge de Conflandey est créée : un haut fourneau et un atelier. Appartenant au comte ROSEN DE FALLON elle fabrique essentiellement des bombes et des boulets pour l’armée royale et réduit, ou cesse, son activité l’été faute d’eau, le débit de la Saône étant faible à cette période de l’année. Ainsi nait à Villers une classe de paysans-ouvriers. Exploitant quelques arpents de terre, élevant deux ou trois vaches, ces revenus agricoles s’ajoutant à leur salaire de forgeron, de ‘bombardier’ ou de fondeur, ils font sans doute figure de privilégiés. Cette aisance relative se répercute sur l’ensemble de la paroisse, il y a peu de manouvrier à Villers.
     La paroisse de " Villers-Conflandey" dépend du prieuré de Port sur Saône tenu par des Jésuites. L'autorité de ce prieuré s'étend, également, sur les communes de Confracourt, Scye, Bougnon, Vaivre. La dîme est perçue, selon les périodes, soit par le curé, soit par l’échevin du village, et répartie dans les proportions suivantes : un tiers pour la paroisse, deux tiers pour le prieuré. Chaque paysan doit fournir annuellement :.pour ceux tenant charrue(La «charrue » était une unité de mesure de surface correspondant à la surface pouvant être traitée au cours d’une année par une charrue. Dans nos régions de 20 à 30 hectares.) entière : 4 gerbes (Unité de mesure de volume sous l’ancien régime. Correspondait à la quantité de grains nécessaire pour ensemencer 1/32éme d’arpent. Dans notre région l’arpent = environ 80 ares.) de bled (le blé);, 4 gerbes d’avoine, une de seigle ou de massot (Le chanvre.=. .pour ceux tenant demi-charrue (probablement les paysans-ouvriers) ces quantités sont divisées par deux..
     En outre le prieuré recouvre également les deux tiers des offrandes (volontaires ou obligatoires) perçues lors des offices..
I     l s’ensuit des séries de procès :.
– Le curé contre les habitants qui refusent de payer la dîme
– Le prieuré contre le curé de Villers qui ne reverse pas les deux tiers prescrits ou refuse tout simplement de percevoir les impôts.
     Le prieuré contre les habitants qui ne respectent pas les engagements de dotation à l’église faits par leurs parents décédés(que ne faisait-on pas à cette époque pour sauver son âme !).
     La lecture des entendus d’un procès de ce genre nous a permis de retrouver la trace de l’oncle de Denise : Philippe FERT. Il nous semble inutile de préciser qui gagne systématiquement ces procès plaidés à Vesoul auprès du tribunal du Baillage d’amont..
     La dîme est perçue le jour de la St Pancras(12 mai) ou de la St Martin(11 novembre)..
Parlons de la gabelle, l’impôt le plus injuste. Le prix du sel est de 10 fois sa valeur et encore, en Franche-Comté, pays de salines, son prix est inférieur à celui des autres provinces du royaume. Nos ancêtres n’en sont pas pour autant condamnés au «régime sans sel » car chaque individu est contraint, dés l’âge de sept ans, d’acheter au trésor royal 10 livres de sel par an..
     S’ajoutent d’autres servitudes. Nous n’en citerons qu’une : le four banal. Le prieuré avait fait construire dans chaque village un four à pain dont l’usage était OBLIGATOIRE et PAYANT. Passant outre à cette règle les habitants de Confracourt en construisent clandestinement. Le prieuré au courant(la délation donnant lieu à récompense) intente un procès, les fours sont démolis et les «fautifs » condamnés à de lourdes amendes. A cette période toute la population est de religion catholique romaine Il n’y a qu’une église pour plusieurs villages, généralement de grande dimension reconstruite après les désastres du milieu du XVIIéme, tel qu’à Laitre et Fouchécourt(église détruite en 1720). .
     Une telle église existait à Villers. On y vient de loin pour la messe du dimanche, on y reste pour les vêpres, ce qui donne lieu à certains abus : libations, ébats dans les cimetières attenants à l’église. Ce lieu saint est aussi un lieu de rencontre : on y parle des affaires courantes, on y pénètre avec les animaux, parfois à cheval, les garçons lorgnent les belles, les amants s’y retrouvent en cachette. Les braves curés luttent, sans grands succès contre ces abus. Petite parenthèse : lors des invasions du milieu du siècle les cloches avaient toutes été dérobées par les Suédois d’abord, par les Français (TURENNE) ensuite. Pour convoquer les fidèles aux offices on utilise les crécelles. Que faisions nous étant gamin lorsque les cloches étaient «parties à Rome » ?.
     Les fêtes religieuses sont très nombreuses, une cinquantaine, nos ancêtres disposent d’un jour de repos sur quatre. A voir car l’église «autorisee » le travail à certaines fêtes, voir le dimanche, en fonction de la saison et de l’urgence des travaux..
     Pourquoi cette dominance de la religion catholique romaine dans nos villages du nord du Baillage d’Amont alors que nos voisins de Montbéliard, de Suisse et d’Allemagne sont tout acquis à la réforme. Il nous faut revenir au miracle de Faverney(1608). A cette époque les idées réformistes gagnent la région. Plus qu’une conception différente de la religion, la réforme remet en cause la dominance du clergé, idées bien accueillies par le menu peuple, les manants. Les églises, nombreuses, avant les désastres de 1634, sont de moins en moins fréquentées. On ne communie qu’une fois par an(à Pâques) Amance et son Seigneur sont devenus protestant. Il FAUT un miracle pour remettre la population sur le droit chemin. Sans renier nos convictions religieuses nous pouvons nous demander si ce «miracle »n’a pas été une énorme supercherie, montée par les chanoines de l’abbaye de Faverney, pour tromper le bon peuple crédule : les 42 témoins et le luthérien Frédéric VUILLARD de Montbéliard qui abjure la religion protestante. Hors de la région les écrits de l’époque, religieux ou laïques, passent sous silence cet événement qu’ils considèrent certainement comme peu crédible Il n’en est pas moins vrai que ce miracle a atteint son but : le retour de la population aux pratiques religieuses ancestrales avec des abus que l’on peut assimiler au jansénisme. Le pèlerinage annuel sera très suivi, et ce jusqu’à une époque récente. Il est vrai que dans notre jeunesse y participer était une obligation. L’office terminé, après avoir écouté pour l’énième fois le récit du miracle que nous connaissions par cœur, nous nous livrions à des réjouissances profanes : pique-nique entre jeunes, fêtes foraines où l’on embrassait furtivement les filles sous la chenille recouverte, les beuveries de certains et surtout on ne travaillait pas ce jour là. Nous nous comportions en sommes comme nos ancêtres. .
Revenons à eux. Au milieu du XVIII siècle Villers compte environ 400 habitants. En 1732 Mø NOBIS devient curé de la paroisse. A partir de cette époque les registres religieux sont écrits en mauvais français, c’est une amélioration par rapport au latin approximatif qui était de règle jusque-là. La lecture détaillée des actes de mariages est révélatrice des us et coutumes : «. se sont unis ensemble après la la publication des bans suivant les formes du Saint Concile de Trente », «. âpres avoir obtenu dispense de l"Avant ....dispense de parenté (jusqu’au quatrième degré) ». On se marie vers 25-30 ans mais il y a des exceptions et là encore des dispenses. L’acte de mariage de Claudine (fille de Pierre ) du 2 mars 1745 comporte cette mention : « ....tous les deux Laboureur quoy que parrens au croisiéme degré ont contacté mariage ensemble après avoir obtenu la dispense a raison de pauvreté, de son Éminence et le consentement des parens», elle a 16 ans et lui 21. Vers 1750 on parle de La Forge, un hameau de Conflandey. Dans un acte concernant une union on note que l’époux est de Bexford, sans doute Belfort, et maître de forge depuis au moins un an....
En 1745, avec le nouveau curé Mø HENRIQUET, les actes sont enfin rédigés en français correct. Il meurt le 13 septembre 1764, exactement deux mois après avoir baptisé notre ancêtre Jean-Baptiste, son corps est inhumé dans le cœur de l’église de Villers. Il faut croire que le père de Jeanne CAMUS(l’épouse d’Antoine) était un notable car lui aussi, trois ans plus tard est enterré au même lieu...? Nous avons vu plus haut que Nicolas perd 8 de ses 10 enfants et ce dans l’année suivant leur naissance. Les conditions d’hygiène, déplorables à l’époque(on prétendait que la crasse protégeait des maladies), ne permettent pas de lutter efficacement contre elles. En outre les connaissances des médecins sont telles que l’on s’est demandé si leurs interventions ne tuaient pas plus de nourrissons qu’elles n’en sauvaient. On baptise au plus vite, souvent le jour même de la naissance, quitte à faire prendre froid à l’enfant dans les églises non chauffées. Parfois, la sage-femme (appelée aussi la matrone) baptise "en urgence". Le 7 mars 1771 un enfant nait à Chassey les Scey. La température est rigoureuse, la Saône est gelée et l’église la plus proche est à Saint Albin sur la rive opposée La famille décide de baptiser l’enfant à l’église, le Grand-père brise la glace, libère le bac Le nouveau-né est transporté et baptisé à l’église. Au retour une violente tempête de neige se déchaîne. Résultat : le Grand-père a 3 doigts gelés et le bébé baptisé décède 3 jour après. Un enfant non baptisé n’est pas enterré à l’église, il porte malheur à ses parents, attire les calamités les plus diverses sur le bétail, les récoltes, la famille. Par contre on considère la mort d’un nouveau-né baptisé comme un phénomène naturel voulu par Dieu. Les parents n’assistent pas aux enterrements : on ne prie pas pour un ange qui au ciel interviendra pour vous. On comprend mieux pourquoi des écrivains, évoquant cette période, parlent de siècles d’obscurantisme..
     L’espérance de vie est de 50 à 60 ans. Les registres paroissiaux précisent dans les actes d’enterrement «décédé muni des sacrements de l’église » et ce jusqu’au XXéme siècle. L’église donne une telle importance à ce sacrement que lorsque, pour un cas de force majeur, le décédé n’a pas pu le recevoir, on tient à préciser le pourquoi. Pour François Joseph (1843-1892) il est indiqué «mort non muni des sacrements de l’église car trouvé mort dans un champ »..

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